La Confédération Nationale du Travail est la section française de la première Internationale, l’Association Internationale des Travailleurs. Face à la déroute du syndicalisme institutionnel, nous proposons de revenir aux bases du syndicalisme français, l’anarchosyndicalisme, pour nous défendre sans attendre rien de personne. Nous, travailleurs de l’Education Nationale de la CNT-AIT, avons plusieurs choses à dire sur ce que nous vivons tous, quotidiennement.
Nous connaissons tous ces instances soi-disant paritaires qui président aux destinées de nos établissements, et dans lesquelles les prétendus représentants des personnels, des parents, des élèves, n’ont en réalité aucune possibilité d’agir sur les décisions tombées des hautes sphères. Qui croit encore qu’une quelconque motion puisse faire fléchir des dirigeants uniquement préoccupés de faire des économies sur le dos des élèves? A quoi rime alors la participation aux commissions de cogestion, si ce n’est à donner un blanc-seing à l’administration, et à lui offrir en prime la caution morale dont elle pourra cyniquement se prévaloir?
Nous refusons, pour notre part, de gérer ainsi la pénurie aux côtés de ceux qui l’organisent; nous voulons, au contraire, nous réapproprier ce qui nous appartient, et, par la pratique de l’autogestion, ne plus nous en laisser déposséder. C’est à nous qu’il revient de faire exister une école de qualité, où chaque enfant pourra réellement trouver ce dont il a besoin, et où nous aurons enfin plaisir à travailler ensemble.
Notre principe de base est la solidarité, celle du terrain, entre pairs; face à une hiérarchie aux ordres, soucieuse de rentabilité, et qui cherche de plus en plus à nous isoler pour pouvoir plus commodément nous imposer ses dérives autoritaires, nous refusons de laisser quiconque se débrouiller seul pour affronter le flicage, les tentatives d’intimidation, les menaces pures et simples; il suffit de voir comment les “désobéisseurs” ont été traités, ces derniers temps, pour comprendre à quel point l’absence de solidarité oeuvre en faveur des projets délétères des responsables politiques. Ils ne se cachent d’ailleurs pas de poursuivre la vieille stratégie du “diviser pour mieux régner”. Leur rêve absolu : remplacer les statuts collectifs par des contrats individuels, négociés de manière forcément déséquilibrée, entre une administration toute-puissante et des individus isolés, vulnérables, et contraints de subir n’importe quel abus de pouvoir pour espérer travailler.
Nous n’acceptons pas ces dérives vers l’arbitraire, et appelons à l’union, à la solidarité des gens de la base, pour créer le rapport de force nécessaire pour leur résister efficacement et durablement.
Toutes les dérives dont nous parlons, toutes les attaques que nous connaissons, découlent d’une conception manageriale absurdement appliquée à l’école : les réformes en cours ont toutes comme postulat de départ cette idée qu’un établissement scolaire doit être “géré” comme une entreprise marchande vouée à la rentabilité économique. Nous sommes tous les jours confrontés aux conséquences aberrantes d’une telle logique. Quand, dans le premier degré, les réunions pédagogiques qui nous permettaient jusque là de nous rencontrer entre collègues et de discuter de nos pratiques, de nos besoins, des intérêts des élèves, sont remplacées par des réunions purement administratives destinées à nous rappeler notre fonction d’exécutants, de simples commis d’un Etat désireux de nous “reprendre en main”, c’est à la fois la mise en place d’un flicage généralisé, et le moyen de nous réduire à la dimension gestionnaire de notre fonction.
Cette vision marchande de l’éducation nous révolte profondément. Nous sommes bien souvent découragés, révulsés par ce système insatisfaisant, voire rédhibitoire, où l’Etat se garde bien de pourvoir à sa mission et refuse de nous donner les moyens de construire, pour tous les élèves, des pratiques pédagogiques actives, pensées pour permettre l’accès de tous à un savoir émancipateur, respectueuses des rythmes et des besoins spécifiques de chacun.
Quand l’école publique est ainsi laissée à l’abandon, il est assez vain de s’indigner vertueusement à voir de plus en plus de parents décider, parfois à l’encontre de convictions profondes, d’envoyer leurs enfants dans des structures privées type calendreta, en espérant y trouver de meilleures conditions d’apprentissage; c’est humain, mais tout le monde n’a pas les moyens financiers, ou simplement la connaissance du système, pour avoir accès à ce choix. Dès lors, l’éducation nationale s’apprête à devenir une voie de garage, voire une impasse où s’enferreront les élèves issus de ce qu’on appelle en haut lieu les “populations non rentables”. Nous refusons de devenir les gardiens résignés de cette école de l’échec et de l’abandon.
Nous sommes bien conscients de ne pas être en mesure, aujourd’hui, de vous proposer le remède miracle, la panacée par laquelle tous les problèmes de l’éducation seront magiquement résolus. Nous connaissons notre faiblesse : celle du nombre; notre structure n’est pas de celles qui se présentent comme prestataires de service, et si vous espérez que nous pourrons défendre vos intérêts sans que vous ayez à agir vous-mêmes, en effet, nous ne vous servirons à rien. Si, en revanche, vous êtes comme nous en colère, profondément écoeurés par la façon dont l’école publique est sabotée et saccagée, si vous pensez qu’il est indispensable de réagir, ce que nous pouvons vous affirmer, c’est notre conviction que seules l’union et la solidarité peuvent nous permettre de construire les conditions de la résistance.
Pour être en mesure de riposter efficacement dans un avenir que nous espérons le plus proche possible, il faudrait déjà rebâtir entre nous les liens indispensables à la lutte collective. Si vous pensez comme nous, si, comme nous, vous ne croyez pas, ou plus, au syndicalisme réformiste, si vous avez envie de vous battre pour sauver l’école… rejoignez-nous.