Alors que les experts en climatologie de l’ONU (GIEC) dénoncent l’inaction « criminelle » des gouvernements pour réduire les gaz à effets de serre et préviennent :

« Les preuves scientifiques sont sans équivoque : le changement climatique constitue une menace pour le bien-être humain et la santé de la planète. Tout nouveau retard dans l’action mondiale concertée fera passer à côté d’une fenêtre brève et qui se referme rapidement pour assurer un avenir vivable »[1].

Le sujet est à peine abordé. La guerre en Ukraine, comme le COVID avant elle, est l’excuse brandie par les dirigeants pour ne pas parler des sujets les plus cruciaux qui sont la paupérisation toujours plus étendue de l’immense majorité de la population humaine au profit de quelques-uns et la destruction d’un environnement planétaire dans lequel nous pouvons vivre.

Pourtant, cette guerre et la pandémie sont des conséquences du système économique mondialisé dans lequel nous vivons. Les flux mondiaux de personnes et de marchandises ont permis de propager le virus de Wuhan jusqu’à tous les pays du monde comme ils acheminent aujourd’hui les masques chirurgicaux censés nous protéger contre lui… depuis cette même ville. La guerre en Ukraine est un épisode dans les luttes d’influences que se livrent l’Union Européenne, les USA et la Russie. Mais les dirigeants de tous les Etats ont bien intégré la « stratégie des chocs » dénoncée par Naomi Klein : utiliser chaque crise ou désastre pour faire reculer les libertés individuelles et les acquis sociaux et faire triompher la loi du marché et la barbarie de la spéculation. D’ailleurs la guerre est déjà l’excuse à une hausse des prix des carburants et du prix du blé qui touche avant tout les plus précaires. Les stocks français de blé ne justifient en rien l’augmentation du prix de la baguette et pourtant c’est ce que nous constatons chaque jour[2]. Quand au prix du carburant, il est constitué de 60% de taxes. Les mesures électoralistes du gouvernement sont bien dérisoires quand l’on se rappelle cela.

Nous le voyons bien en France : la pandémie a été l’occasion de faire oublier le vaste mouvement social des gilets jaunes tout en imposant des pratiques liberticides qui sont en passe de rentrer dans les normes. Le gouvernement a divisé la population autour du « passe-sanitaire » pour faire diversion tandis qu’il prenait des mesures antisociales comme la réforme de l’assurance chômage. Et pendant que la population s’appauvrissait, les plus riches augmentaient leurs fortunes : 7 millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire tandis que les 5 Français les plus riches détiennent plus que les 40% les plus pauvres [2]. Et pendant que le gouvernement mobilisait 424 milliards pour lutter contre la pandémie, les milliardaires français ont fait un gain de 236 milliards en 19 mois.

La guerre en Ukraine.

Nous ne sommes pas de ceux qui trouvent des excuses au régime de Vladimir Poutine. Nos compagnons anarchosyndicalistes Russes souffrent trop de la répression pour que nous oublions que Poutine est un autocrate et que son régime est un mélange de nationalisme rance, de valeurs traditionnelles morbides, d’orthodoxie religieuse intolérante, d’oligarchie immorale, d’inégalités criantes, de militarisation, de répression et de libéralisme économique.

Mais nous n’oublions pas non plus qu’aux yeux des dirigeants américains et européens, c’était quelqu’un de fréquentable quand il s’agissait d’aller envahir l’Afghanistan ou l’Irak et que ni le génocide en Tchétchénie, ni l’invasion de la Géorgie, ni le soutien à Bachar Al Assad n’a empêché Emmanuel Macron de l’inviter à Versailles.
Nous n’oublions pas non plus que si l’Etat Russe est au 134ème rang mondial (sur 180 pays) en matière de corruption, l’Ukraine ne fait guère mieux avec la 122ème place. Un politologue ukrainien pouvait affirmer en septembre dernier : « les oligarques ne sont pas seulement intégrés au système, ils l’ont formé »[3] et ce n’est pas la timide loi de septembre 2021 qui nous fera oublier que le héros Zelensky lui-même, a été cité dans le scandale des Pandora papers[4].

En 2014, alors que Poutine envahissait le Donbass et que la communauté internationale « s’indignait » déjà, les approvisionnements en gaz russe n’ont jamais été interrompus et aujourd’hui encore, les banques russes, liées au pétrole et au gaz, n’ont pas été exclues du système bancaire international SWIFT. Vieille tradition : tout au long de la guerre froide, l’URSS n’a jamais cessé d’approvisionner l’Europe en gaz naturel. Les discours entendus des dirigeants des principales puissances mondiales ne nous berneront pas : derrière cette guerre, pour Poutine et les occidentaux, les enjeux sont géopolitiques (encercler ou non la Russie d’un réseau d’alliance pro USA) et économiques (profiter d’un marché de la main d’œuvre et des matières premières peu onéreux ainsi que de débouchés commerciaux). Pour nous, s’il convient d’être solidaire c’est avec le peuple ukrainien qui est agressé et martyrisé ainsi qu’avec ces Russes qui subissent la répression parce qu’ils descendent dans la rue pour exiger la paix. Bien évidemment, nous sommes de ceux qui approuvent l’accueil des réfugiés, comme nous nous engagions déjà avant ce conflit dans la solidarité avec tous les étrangers qui subissent les politiques hostiles de tous les gouvernements qui se sont succédés depuis 20 ans. Mais il y a quelque chose d’indécent à voir la différence de traitement qui existe aujourd’hui entre les réfugiés ukrainiens et les autres. Il ne faudrait pas que le renouveau de l’esprit de solidarité ne soit qu’un feu de paille ou qu’il soit sélectif. Tous les migrants ont besoin de soutien à commencé par ces mineurs non accompagnés que les autorités ont jetés à la rue dans notre département ou de toutes celles et ceux qui sont bloqués à la frontière espagnole et risquent leur vie pour poursuivre leur voyage. Rappelons que 7 sans-papiers ont trouvé la mort de cette manière en 2021 dans les Pyrénées-Atlantiques. Puisse au moins cette « crise ukrainienne » ouvrir les yeux du plus grand nombre sur la réalité des partis xénophobes et pro-Poutine et sur l’inhumanité de la politique migratoire d’Emanuel Macron.

Du retour du discours militariste, qui va être l’occasion de renforcer encore l’exploitation, au rapport de la cour des comptes.

Nous voyons déjà revenir les discours absurdes sur la nécessité d’augmenter le budget militaire de la France. Comme au temps de la guerre froide, on brandit la menace nucléaire pour justifier le nucléaire. On oublie allégrement que la guerre en Ukraine est la conséquence des politiques d’intimidation militaires que se livrent les superpuissances nucléaires et l’on nous propose de nous enfoncer davantage dans cette logique. Emmanuel Macron a annoncé une augmentation du budget de la défense comme la nécessité de s’adapter à la nouvelle situation alors qu’ill avait augmenté ce budget de 1.5 milliards par an depuis 2018 et il prévoyait déjà, en février 2021, que cette augmentation passerait à trois milliards par an lors de son second quinquennat[5]. L’Ukraine n’est qu’une excuse. D’ailleurs Emmanuel Macron ne semble pas revenir sur son projet de relancer le nucléaire civil en France alors que nous voyons aujourd’hui en Ukraine les risques que cela comporte en cas de guerre. Tout comme pour le budget « sécurité », le Président n’est pas chiche quand il s’agit de l’armée. C’est que l’Etat sait sur qui il doit compter en cas de mouvements sociaux. Alors, on nous rejoue la guerre froide et l’on va engraisser les « marchands de canon amis » dans une course à l’armement démente et dangereuse comme nous le rappelle l’actualité. C’est que cela permettra de faire passer la pilule des nouveaux sacrifices qui vont nous être demandé au nom de la France.

Car la cour des comptes a rendu son rapport. L’ancien bras droit de Dominique Strauss-Kahn et président de la cour des comptes, Pierre Moscovici, n’a pas attendu que les élections présidentielles soient passées pour rendre son rapport, comme il est d’usage pour ne pas influer sur l’élection.
Pour absorber le coût de la pandémie et les prochaines dépenses militaires, la cour pointe du doigt les secteurs qui, selon elle, coûtent trop chers : les retraites, les affaires économiques, la santé et le logement et dans son programme, Macron rajoute l’éducation par une privatisation rampante..
Elle recommande une réforme des retraites dès septembre 2022 pour en réduire le coût ainsi que des économies dans le domaine de la santé et de l’Education (tout en saluant les efforts déjà entrepris dans ces secteurs). Pour y parvenir, elle suggère une loi de financement de la protection sociale regroupant la sécurité sociale, les retraites (y compris les régimes complémentaires) et l’assurance chômage. Elle demande au prochain gouvernement d’« assurer la soutenabilité » des minimas sociaux et des aides au logement et d’ « adapter » l’indemnisation chômage et les aides à l’emploi. Elle prévoit également une « modernisation » de l’administration qui passe par l’abandon « des missions que la sphère publique n’a plus vocation à exercer » et la « responsabilisation » des acteurs en développant la contractualisation.

En clair cela veut dire : chute des budgets de l’Education et de la santé, sécurité sociale, retraites, indemnités chômage et minima sociaux réduits à leur portion congrue dans une Grande Sécurité Sociale (idée testée il y a quelques mois dans l’opinion), recul puis disparition des derniers services publics et passage d’une société basée sur des droits à une société où tout aide sera conditionnée au respect des clauses de contrats aux modalités variables, plus de droits, seulement des obligations, des devoirs. Macron l’avait annoncé cet été : il va falloir travailler plus, plus longtemps et pour gagner moins.

Que faire ?

L’idée que le résultat des élections pourrait changer la donne est un leurre : nous n’aurons droit qu’à une différence de brutalité dans l’application des mesures liberticides et antisociales tandis que la protection de l’environnement restera symbolique.
La volonté du peuple ne sera pas prise en compte.
Doit-on rappeler que Macron avait été élu avec 20 743 000 voix sur 47 500 000 inscrits et qu’au premier tour, il n’avait recueilli que 8 000 000 de voix sur son programme, les reste de ses électeurs ne s’étant ralliés à ce vote que pour contrer Le Pen ?
Doit-on rappeler que les députés de la République en Marche représente que 16,5% des inscrits tandis que l’abstention avait atteint les 57% ? Cela ne l’a pas empêché de gouverner comme s’il détenait un mandat populaire pour appliquer sa politique. Et c’est ce que font tous les gouvernements.

Si la démocratie c’est le pouvoir au peuple, le système des représentants ce n’est pas la démocratie. Il suffit pour s’en convaincre de connaitre l’article 27 de la constitution qui interdit la révocation des élus en précisant « le mandat est personnel » c’est-à-dire, qu’une fois élu, le politique fait ce qu’il lui plait et le citoyen est rappelé 5 ans après.

Mais, quand bien même nous pourrions révoquer les élus qui ne respectent pas leurs promesses, le système des représentants ne serait pas plus démocratique et ceci pour au moins deux raisons :
Décider, c’est avant tout débattre, soumettre des idées, élaborer des projets dans des assemblées primaires et non choisir la moins pire des propositions que l’on daigne nous imposer. D’ailleurs, il suffit de se souvenir de la pantalonnade du Grenelle de l’environnement pour comprendre que les politiques n’ont que faire de notre avis.

Comment imaginer pouvoir peser sur les orientations de la société quand son secteur le plus central, l’économie, est exclu des décisions politiques ? Au nom de la propriété privée, les décisions qui concernent les entreprises sont l’apanage de ceux qui détiennent l’entreprise : le patron ou les actionnaires. Ce sont eux qui décident, ce sont eux qui ont pris le pouvoir, ce sont eux qui mènent et gagnent la lutte des classes,…pour l’instant.

La pandémie, le réchauffement climatique et bon nombre d’atteinte à l’environnement sont une conséquence de la mondialisation de l’économie et du système capitaliste. Mais, partout dans le monde, les gouvernements continuent à construire des autoroutes, des ports, des infrastructures de ferroutage qui permettent d’accroitre les flux en circulation et, par la même, la consommation des énergies fossiles et la propagation des virus. La mondialisation a pour but d’accroitre les profits car l’économie est basée sur l’apport des capitaux privés et les capitalistes investissent pour faire des bénéfices. La concurrence entre les transnationales et les pays qui les représentent sont cause des guerres comme en Ukraine et l’on nous propose d’accroitre l’armement, de raviver le nationalisme, ce nationalisme qui permet aux plus aisés de dresser les hommes les uns contre les autres en temps de guerre comme en temps de paix.

Et le climat dans tout ça ? La solution aurait été trouvée depuis longtemps si elle permettait d’assurer leur sacro-sainte croissance et d’accroitre leurs profits.
En attendant, pour accroitre toujours plus ces fameux bénéfices – les grands prêtres du libéralisme que sont devenus les économistes médiatiques appellent cela « la croissance » – les dirigeants cherchent à nous prendre le peu qui nous reste d’acquis sociaux et de temps de de vie.
La solution ne sera donc jamais de soutenir tel candidat plutôt qu’un autre.
La solution sera là où elle a toujours été : en s’occupant nous-mêmes de nos affaires.

La première guerre mondiale s’est arrêtée quand les peuples se sont révoltés avec à l’avènement des révolutions russe et allemande. La course à l’armement et la guerre froide ont été stoppées par les peuples de l’Europe de l’Est qui ont fait chuter toutes les dictatures tandis que de vastes mouvements pacifistes secouaient le bloc occidental.
Que ce soit pour la défense du climat ou pour régler la question sociale, la solution ne viendra que de nous-mêmes.
Les gilets jaunes ont montré la voie. Bien sûr, le combat risque d’être dur et long. Nous allons devoir réapprendre les solidarités et les fonctionnements collectifs, en nous débarrassant, dans nos mouvements même, de ce poison que sont les représentants. Tant que nous ne prendrons pas nous-mêmes les décisions, il n’y a pas de raisons qu’elles servent nos intérêts.
Nous prônons l’autogestion sur les lieux de production, des entreprises publiques et privées, des services publics et administrations, mais aussi des communes.
Nous ne voulons pas mettre au pouvoir une nouvelle oligarchie : nous voulons la fédération des communes libres et que tous les postes de responsabilités soient occupés par des délégués élus, capables, mandatés et révocables.
Face à l’inflation, aux attaques de nos droits, à la hausse de l’énergie, à la cherté des logements, à la flambée des prix, à l’avenir incertain imposé à nos enfants, contre les grands projets inutiles qui nous dépossèdent de nos territoires pour les aménager selon les exigences tenants de la mondialisation, il va falloir s’organiser pour s’entraider et nous faire entendre, élaborer l’autogestion en projet de société pour une révolution sociale et abattre le vieux monde plutôt que disparaître avec lui.

Pour en discuter ou en savoir plus sur notre projet de société, vous pouvez nous contacter et/ou passer nous voir à notre local, 3 rue de Boyrie à Pau ou consulter notre site à la page : http://cnt-ait-pau.fr/cnt/ .

[1] Hans-Otto Pörtner, un expert du GIEC sur : https://news.un.org/fr/story/2022/02/1115262
[2] « Depuis le début de la guerre en Ukraine, les prix du blé ont dépassé des sommets », Laurence GIRARD, Le Monde, 9 mars 2022.
[3] https://www.oxfamfrance.org/communiques … -decennie/
[4] Petro Oleshchuk professeur d’université à Kiev cité in « En Ukraine, une loi pour limiter l’influence des oligarques », Emmanuel Grynszpan, Le Monde, 30 septembre 2021.
[5] « Économie parallèle. Le président ukrainien Zelensky dans la tourmente des Pandora Papers », COURRIER INTERNATIONAL, 10 octobre 2021.
[6] Ces chiffres proviennent de l’étude du très macroniste Institut Montaigne : https://www.institutmontaigne.org/resso … efense.pdf